Le lesbianisme politique représente les prémices de ce qui est aujourd’hui appelé Spinsterisme (anglicisme de Spinsterism), ou célibat volontaire, chez les femmes hétérosexuelles. C’était une forme de séparatisme sexuel militant chez les féministes, qui a été associé aux féministes radicales bien que les lesbiennes radicales n’aient jamais approuvé ce concept.
Origine du concept
Le lesbianisme politique est un mouvement de résistance homophobe et lesbophobe qui trouve ses racines dans le féminisme de la deuxième vague, donc radical. Le principe est, pour une femme hétérosexuelle ou bisexuelle, de se dire lesbienne et de cesser de relationner romantiquement et sexuellement avec les hommes en tant que choix politique. Cette initiative a pour but de se séparer des hommes dans sa vie personnelle en raison de leur violence et de leur misogynie, et correspond donc au concept « le personnel est politique » du féminisme radical. C’est un moyen, pour les femmes attirées par les hommes, de se libérer politiquement de cette attirance en se disant lesbiennes.
Depuis, le lesbianisme politique a été étendu à l’homosexualité politique, qui concerne donc aussi les hommes gays. J’en ai entendu parler la première fois sur Twitter par un activiste q*eer qui se disait homosexuel politique en soutien aux gays : il considérait son orientation comme politique et se disait donc gay pour soutenir ceux qui le sont réellement. Cette première introduction au concept était donc biaisé, puisque ce n’est pas ce qu’était le lesbianisme politique à la base. En revanche, cela montre bien qu’il y a une évolution et une appropriation de ce concept même de nos jours.
Lesbophobie du concept
L’idée d’une orientation sexuelle politique est extrêmement homophobe puisqu’elle implique que la sexualité est un choix, une rébellion, une forme d’activisme, etc. Ce que n’est pas l’orientation sexuelle. Aux origines, les femmes se disaient lesbiennes non pas pour soutenir leurs sœurs homosexuelles mais bien pour déclarer publiquement une résistance aux hommes. L’idée que les lesbiennes détestent les hommes, sont misandres, ou n’ont juste pas trouvé le bon ne date pas d’hier, et le lesbianisme politique n’a fait que renforcer cette idée.
Le lesbianisme politique n’est envisageable que si l’on confond le fait d’être lesbienne, donc de n’aimer que les femmes romantiquement et sexuellement, avec le fait d’être misandre, donc de détester les hommes, ou de simplement vouloir arrêter de relationner avec eux. Une femme qui prend soin des autres femmes, qui milite pour elles, qui passe du temps avec elles etc. n’est pas forcément lesbienne. Prioriser les femmes dans sa vie est un choix. Détester les hommes en est plus ou moins un. Être homosexuelle, tout comme le fait d’être bie ou hétéro, ne l’est pas. Il est tout à fait possible d’arrêter de fréquenter les hommes et de dire haut et fort qu’on les méprise sans se dire lesbienne pour autant.
Cela sous-entend aussi, au-delà de l’idée que l’homosexualité serait un choix, que le lesbianisme est politique. Il ne l’est pas. Être lesbienne n’est pas politique, les orientations sexuelles ne sont pas politiques, ce qui est politique, c’est le militantisme pour les droits des LGBs, et la résistance homophobe de la part d’autres partis et/ou de l’État. Les lesbiennes peuvent être misogynes, anti-féministes, apolitiques, aspirer à une vie simple dans la nature avec leur femme, vouloir ou pas des enfants, et ainsi de suite. Le lesbianisme est une orientation sexuelle, lui apposer une existence politique inhérente est lesbophobe. Il existe des lesbiennes de tous les bords politiques.
Quelles alternatives ?
Les radfems ont rapidement abandonné l’idée de se dire lesbiennes quand elles ne le sont pas, préférant le célibat volontaire. De nos jours, les femmes qui ont décidé d’arrêter de relationner avec les hommes alors qu’elles sont hétéros sont appelées Spinsters. C’est un choix que beaucoup de radfems font (mais pas toutes !), car sortir avec les hommes quand on sait à quel point ils sont dangereux est souvent difficile. Toutes les radfems ne sont pas célibataires par choix, mais c’est quelque chose qui est encouragé par la critique de l’hétérosexualité, du mariage et du concubinage que fait le féminisme radical.
Les femmes bisexuelles qui décident de ne plus relationner avec les hommes sans sortir avec des femmes sont aussi des Spinsters. Celles qui souhaitent se concentrer seulement sur leur attirance pour les femmes sont des Febfems. Être bisexuelle offre plus d’options, mais il est important de se rappeler que les relations amoureuses ne sont pas la seule source d’épanouissement d’une femme dans la vie. Il y a déjà de nombreuses ressources et témoignages sur ce mode de vie. En Corée, les femmes ayant décidé de ne plus relationner avec les hommes ont créé un mouvement entier pour montrer leur résistance.
Conclusion
De nos jours, l’idée du lesbianisme politique ou de la lesbienne misandre persiste même dans les cercles radfems. Je vois des radfems sur Instagram ou Tumblr qui sont favorables au lesbianisme politique, qui disent être lesbiennes alors qu’elles sont attirées par les hommes, etc. C’est quelque chose que je n’approuve pas et que je trouve très destructeur pour mes sœurs lesbiennes. Les lesbiennes ont toujours porté les critiques de l’hétérosexualité et des hommes qui font le féminisme radical, elles ont une place dans l’activisme et prétendre que leur orientation peut être un choix politique est à l’antithèse de ça.
Le féminisme radical ne peut coexister avec l’idée que le lesbianisme est un choix ou une position politique. Les femmes hétéros ou bies ont déjà du vocabulaire pour décrire leur séparatisme relationnel. A nous de le faire connaître et de soutenir nos sœurs lesbiennes.
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