Ce texte a été traduit par criticalqueenlesbian sur Tumblr. Prenez le temps de lire le post sur son blog et de la remercier de son travail.
J.K. Rowling écrit à propos de ses raisons pour s’être exprimée sur les questions de sexe et de genre
Avertissement : ce texte contient un langage inapproprié pour les enfants.
Ce n’est pas un texte facile à écrire, pour des raisons qui vont rapidement devenir claire, mais je sais que le moment est venu pour moi de m’expliquer sur un sujet particulièrement toxique. J’écris cela sans aucune volonté d’ajouter à cette toxicité.
Pour les gens qui l’ignorent : en décembre dernier, j’ai tweeté mon soutien à Maya Forstarter, une spécialiste des taxes qui a perdu son travail pour ce qui a été jugé comme des tweets « transphobes ». Elle a amené son problème devant le tribunal du travail, demandant au juge de juger si la croyance philosophique que le sexe était déterminé biologiquement était protégée par la loi. Le juge Tayler a jugé que non.
Mon intérêt pour les questions trans remontent à presque deux ans avant le cas de Maya, deux ans pendant lesquels j’ai suivi de près les débats autour du concept d’identité de genre. J’ai rencontré des personnes trans, lu des livres, des blogs et des articles écrits par des personnes trans, des spécialistes du genre, des personnes intersexes, des psychologues, des safeguarding experts (ndt : un mot métier spécifiquement britannique, dédié à surveiller que les mesures prises ne sont pas néfastes à la population), travailleurs sociaux et médecins, et j’ai suivi le débat en ligne et au travers des médias traditionnels. A un certain niveau, mon intérêt pour la question était professionnel, car j’écris des polars contemporains, et mon héroïne, détective, a l’âge d’être intéressée et affectée par ces questions, mais à un autre niveau, c’est particulièrement personnel, comme je suis sur le point de l’expliquer.
Tout au long de mes recherches, des accusations et menaces de la part d’activistes trans fleurissaient sur mon mur Twitter. Ça a été initialement déclenché par un like. Pendant que je commençais à développer un intérêt pour l’identité de genre et les questions transgenres, j’ai pris l’habitude de faire des captures d’écran des commentaires qui m’intéressaient, comme moyen de me souvenir de ce que je pourrais vouloir creuser plus tard. A une occasion, j’ai accidentellement cliqué sur « aimer » au lieu de prendre une capture d’écran. Cet unique like a été jugé comme une preuve de crime de pensée, et un niveau bas mais persistant de harcèlement a commencé.
Des mois plus tard, j’ai aggravé mon criminel like en m’abonnant à Magdalen Berns sur Twitter. Magdalen était une jeune féministe et lesbienne immensément brave, qui mourrait d’une tumeur agressive au cerveau. Je me suis abonnée parce que je voulais la contacter directement, ce que j’ai réussi à faire. Cependant, comme Magdalen croyait fermement en l’importance du sexe biologique, et ne pensait pas que les lesbiennes devraient être qualifiées de bigotes pour refuser de sortir avec des femmes trans avec un pénis, des liens ont été fait dans la tête des activistes trans de twitter, et le niveau de harcèlement sur les réseaux sociaux a augmenté.
Je mentionne tout cela seulement pour expliquer que je savais parfaitement ce qu’il allait se passer quand j’ai soutenu Maya. A ce stade, je devais en être à ma quatrième ou cinquième « cancellation » (ndt : annulation ; quand des gens décident qu’une célébrité ne vaut plus rien parce qu’elle a dit quelque chose jugé offensant). Je m’attendais aux menaces de violence, à m’entendre dire que j’étais littéralement en train de tuer des personnes trans avec ma haine, à être appelée une chienne ou une pute et, bien sûr, à voir mes livres brûlés, même si un homme particulièrement violent m’a indiqué qu’il les composterait.
Ce à quoi je ne m’attendais pas suite à ma cancellation était l’avalanche d’emails et de lettres qui me sont tombées dessus, l’écrasante majorité d’entre eux étant des messages positifs, reconnaissants, et exprimaient leur soutien. Ils venaient d’un mélange de personnes gentilles, empathiques et intelligentes, certaines travaillant dans des milieux s’occupant de dysphorie de genre et de personnes trans et qui étaient profondément inquiètes de la manière dont un concept socio-politique est en train d’influencer les lois, les pratiques médicales et la sécurité. Elles s’inquiètent des dangers pour les jeunes, les personnes homosexuelles, et de l’érosion des droits des femmes et des filles. Et par-dessus tout, elles s’inquiètent du climat de peur qui n’aide personne, et surtout pas les jeunes trans.
J’ai pris de la distance par rapport à Twitter pendant plusieurs mois à la fois avant et après avoir tweeté pour soutenir Maya, parce que je savais que ça ne faisait rien de bien pour ma santé mentale. Je suis uniquement revenue parce que je voulais partager un livre pour enfants gratuitement pendant la pandémie. Immédiatement, les activistes qui se considèrent clairement comme bons, gentils et progressistes sont revenus en masse sur mon mur, se pensant en droit de surveiller mon langage, m’accusant de haine, m’appelant par des insultes misogynes et surtout, comme toute femme impliquée dans ce débat le sait, en m’appelant TERF.
Si vous ne le saviez pas déjà, et pourquoi le sauriez-vous ?, TERF est un acronyme créé par les activistes trans qui veut dire Féministe Radicale Excluant les Trans. Dans la pratique, une très large démographie de femmes sont appelées TERFs, et la grande majorité d’entre elles n’ont jamais été féministes radicales. Des exemples de soi-disant TERFs vont de la mère d’un enfant gay s’inquiétant que son fils veuille transitionner pour échapper au harcèlement homophobe qu’il subit, jusqu’à une vieille dame jusque là absolument pas féministe qui a déclaré ne plus jamais se rendre chez Mark & Spencer parce qu’ils permettent à n’importe quel homme déclarant être une femme d’entrer dans les cabines d’essayage des femmes. Ironiquement, les féministes radicales n’excluent pas les trans, puisqu’elles incluent les hommes trans dans leur féminisme, comme les hommes trans sont nés femmes.
Mais les accusations d’être TERF ont été suffisantes pour intimider beaucoup de personnes, institutions et organisations que j’ai autrefois admirées, qui tremblent maintenant devant ces menaces de cours de récré. « Ils vont nous appeler transphobes ! », « Ils vont dire que je déteste les personnes trans ! », et puis quoi encore, ils vont dire que tu as des puces ? Je parle en tant que femme biologique, beaucoup de personnes en position de pouvoir devraient avoir plus de couilles (ce qui est sans doute possible, si on en croit le genre de personnes qui soutient que le fait que les poissons-clowns peuvent changer de sexe veut dire que les humains ne sont pas une espèce dimorphique).
Du coup, pourquoi je fais ça ? Pourquoi je m’exprime ? Pourquoi ne pas sagement faire mes recherches en gardant la tête baissée ?
J’ai cinq raisons pour lesquelles le nouvel activisme trans m’inquiète, et qui m’ont convaincue que je devais m’exprimer.
Premièrement, j’ai un fonds caritatif dédié à réduire la misère sociale en Écosse, notamment pour les femmes et les enfants. Entre autres choses, mon fonds soutient des projets pour les femmes en prison et pour les survivantes de violences domestiques et violences sexuelles. Je finance aussi la recherche médicale pour la sclérose en plaques, une maladie qui affecte très différemment les hommes et les femmes. Ça fait un moment qu’il est devenu clair pour moi que le nouvel activisme trans est en train d’avoir (ou risque fortement d’avoir, si toutes ses exigences sont acceptées) un impacte significatif sur beaucoup des causes que je soutien, parce qu’il souhaite éroder la notion juridique de sexe pour la remplacer par celle du genre.
La deuxième raison est que je suis une ancienne maîtresse d’école, et la fondatrice d’une organisation caritative pour les enfants, ce qui me donne à la fois un intérêt pour l’éducation, et pour la protection des enfants. Comme beaucoup, j’ai de grandes inquiétudes concernant les effets que le mouvement des droits des trans est en train d’avoir sur ces deux choses.
La troisième raison est que, en tant qu’autrice interdite (ndt : ses livres sont interdits à plusieurs endroits parce que considérés comme contraires aux bonnes mœurs), je m’intéresse particulièrement à la liberté d’expression, et je l’ai publiquement défendue, même pour Donald Trump.
La quatrième raison est que les choses sont en train de devenir particulièrement personnelles. Je suis inquiète du nombre énorme de jeunes femmes qui souhaitent transitionner, et du nombre croissant qui souhaitent détransitionner (revenir à leur sexe initial), parce qu’elles regrettent d’avoir pris cette mesure qui, dans certains cas, a altéré leur corps définitivement et les a privées de leur fertilité. Certaines disent qu’elles ont décidé de transitionner après avoir réalisé qu’elles étaient attirées par les personnes de même sexe, et que cette transition était en partie motivée par l’homophobie présente dans la société ou dans leur famille.
La majorité des personnes ne savent probablement pas, et je l’ignorais moi-même avant de faire mes recherches sur le sujet, qu’il y a dix ans, la majorité des personnes qui voulaient changer de sexe était des hommes. Cette tendance s’est maintenant renversée. La Grande Bretagne a vu une augmentation de 4400% des filles présentées pour un traitement visant à transitionner. Les filles autistes sont largement surreprésentées parmi elles.
Le même phénomène a été observé aux États-Unis. En 2018, La chercheuse et physicienne américaine Lisa Littman a exploré la question. Dans une interview, elle dit :
« En ligne, les parents décrivent un motif très inhabituel de personnes s’identifiant comme trans, où plusieurs amis, et parfois même un groupe entier d’amis s’identifient comme trans en même temps. J’aurais été négligente si je n’avais pas considéré la contagion sociale et l’influence des pairs comme facteur potentiel. »
Littman mentionne Tumblr, Reddit, Instagram et Youtube comme facteurs contribuant à l’Apparition Rapide de la Dysphorie de Genre (Rapid Onset Gender Dysphoria), où elle pense que dans le milieu de l’indentification transgenre, « les jeunes ont crée salles de résonances particulièrement isolées ».
Son article a déclenché un scandale. Elle a été accusée d’être biaisée et de répandre des fausses informations sur les personnes transgenres, exposée à une vague d’abus et une campagne organisée pour discréditer à la fois elle et son travail. Le journal a retiré ses recherches de leur site, l’a réétudié, et l’a republié. Cependant, sa carrière a souffert du même arrêt que celle de Maya Forstater. Lisa Littman a osé remettre en question l’un des points centraux du discours des activistes trans, qui est que l’identité de genre d’une personne est innée, comme son orientation sexuelle. Personne, les activistes insistent, ne peut être convaincu de devenir trans.
L’argument de beaucoup d’activistes trans à l’heure actuelle est que si vous ne laissez pas un adolescent dysphorique transitionner, il va se suicider. Dans un article expliquant pourquoi il a démissionné de Tavistock (une clinique du NHS dédiée au genre en Angleterre), le psychiatre Marcus Evans explique que l’affirmation que les enfants se tueraient s’ils n’étaient pas autorisés à transitionner « ne correspond à aucune étude ou donnée dans ce domaine. Ni avec les cas que j’ai rencontrés pendant des années de pratiques de la psychothérapie ».
Les écrits de jeunes hommes trans révèlent un groupe de personnes sensibles et intelligentes. Plus je lisais leurs récits sur leur dysphorie de genre, avec leurs descriptions d’anxiété, de dissociation, de troubles de l’alimentation, de mutilation et de haine contre soi-même, plus je me demandais, si j’étais née 30 ans plus tard, si moi aussi j’aurais envisagé la transition. L’attrait d’échapper au fait d’être une femme aurait été énorme. J’ai eu beaucoup de troubles obsessionnels du comportement quand j’étais jeune. Si j’avais trouvé, en ligne, une communauté et du soutien que je ne pouvais pas trouver dans mon environnement immédiat, je pense que j’aurais pu être persuadée de devenir le fils que mon père aurait ouvertement préféré avoir.
Quand je lis à propos de l’idéologie du genre, je me souviens à quel point je me considérais comme distancée du sexe quand j’étais jeune. Je me souviens de Colette qui se décrivait comme « une hermaphrodite mentale » et les mots de Simone de Beauvoir « c’est tout à fait normal pour une future femme de s’indigner des limitations qu’on lui impose de par son sexe. La vrai quelques n’est pas de savoir pourquoi elle devrait les rejeter, le problème est plutôt de comprendre pourquoi elle les accepte. »
Comme je n’avais pas la possibilité de devenir un homme dans les années 80, c’est par les livres et la musique que j’ai vaincu mes problèmes mentaux et le jugement sexué qui mettent tant de filles en guerre contre leur corps dans leur adolescence. Heureusement pour moi, j’ai trouvé mon propre sens d’être autre, et mes propres hésitations à propose d’être une femme reflétés dans le travail d’écrivaines et de musiciennes qui m’ont rassurée sur le fait que, malgré tout le sexisme que le monde nous jette à la figure, c’est ok de se sentir perdu, sombre, sexuel et non sexuel, incertain de quoi ou qui nous sommes.
Je veux être très claire : je sais que la transition sera une solution pour certaines personnes dysphorique, même si je suis consciente grâce à mes recherches que les études ont de manière constante montrées qu’entre 60 et 90% des adolescentes dysphoriques guérissent en grandissant. Encore et encore, on m’a dit « rencontre des trans ». Je l’ai fait. En plus de jeunes gens, qui étaient tous adorables, il se trouve que je connais une personne qui se considère comme une femme transsexuelle, plus vieille que moi et merveilleuse. Bien qu’elle soit ouverte sur son passé en tant qu’homme gay, j’ai toujours trouvé difficile de la considérer comme autre chose qu’une femme, et je pense (et espère) qu’elle est parfaitement heureuse d’avoir transitionné. Étant plus vieille, cependant, elle est passée par une plus longue et rigoureuse période d’évaluation, de psychothérapie, et par différentes étapes de transformation. L’explosion actuelle de l’activisme trans presse pour une suppression de ce système solide à travers lequel les candidats qui souhaitent un changement de sexe devaient autrefois passer. Un homme qui ne souhaite pas être opéré et qui ne prend pas d’hormone peut maintenant obtenir un Certificat de Reconnaissance de Genre et être considéré comme une femme aux yeux de la loi. Beaucoup de personnes ne sont pas conscients de ça.
Nous vivons la période la plus misogyne dont j’ai fait l’expérience. Dans les années 80, j’imaginais que mes futures petites filles, si j’en avais, auraient la vie beaucoup plus facile que la mienne, mais entre les attaques contre le féminisme et la culture internet saturée de porno, je pense que les choses sont en fait devenues pires pour les filles. Je n’ai jamais autant vu les femmes être dénigrées et déshumanisées à ce point. En partant de la longue histoire d’harcèlement sexuelles du leader du monde libre et de sa fière affirmation « attrapons-les par la chatte », en passant par le mouvement incel (célibataires involontaires) qui détestent les femmes qui ne veulent pas leur offrir du sexe, jusqu’aux activistes trans qui déclarent que les TERFs doivent recevoir des coups de poings et être rééduquées, les hommes de tous les bords politiques semblent d’accord : les femmes cherchent les ennuis. Partout, on dit aux femmes de se taire et de s’asseoir, sinon…
J’ai lu tous les arguments soutenant que le fait d’être une femme ne résidait pas dans le corps sexué, et les affirmations que les femmes biologiques n’ont pas d’expériences communes, et je les trouve, aussi, profondément misogynes et régressifs. Il est très clair que l’un des objectifs de nier l’importance du sexe est de détruire ce que certains ont l’air de considérer comme l’idée cruelle et ségrégationniste que les femmes on leur propre réalité biologique ou, tout aussi terrifiant pour eux, qu’elles partagent une réalité unifiante qui fait d’elles une classe politique cohésive. Les centaines de mails que j’ai reçus ces derniers jours prouvent que cette destruction inquiète tout autant. Ce n’est pas assez pour les femmes d’être des alliées des trans. Les femmes doivent accepter et admettre qu’il n’y a aucune différence matérielle entre les femmes trans et elles-mêmes.
Mais comme beaucoup de femmes l’ont dit avant moi, « femme » n’est pas un costume. « Femme » n’est pas une idée dans la tête d’un homme. « Femme » n’est pas un cerveau rose, une affection pour Jimmy Choos ou une autre de ces idées sexistes qui sont maintenant présentées comme progressives. De plus, le langage « inclusif » qui appellent les femmes « personnes menstruées » ou « personnes avec vulve » est considéré par beaucoup de femmes comme déshumanisant et retirant aux femmes leur dignité. Je comprends pourquoi les activistes trans considèrent que ce langage est approprié et gentil, mais pour celles d’entre nous qui avons reçu des insultes crachées par des hommes violents, ce n’est pas neutre, c’est hostile, et aliénant.
Ce qui m’amène à la cinquième raison pour laquelle je suis profondément inquiète des conséquences de l’activisme trans contemporain.
J’ai été une personne publique depuis plus de 20 ans, et je n’ai jamais parlé publiquement du fait que j’ai été victime de violences domestiques et d’abus sexuels. Ce n’est pas parce que j’ai honte que cela me soit arrivé, mais parce que c’est traumatisant d’y repenser et de s’en souvenir. Je me sens également responsable de ma fille, que j’ai eu de mon premier mariage. Je ne voulais pas m’attribuer une histoire qui la concerne également. Cependant, il y a peu, je lui ai demandé comment elle se sentirait si je parlais publiquement de cette partie de ma vie, et elle m’a encouragée à le faire.
J’ai mentionné ces choses non pas pour gagner de la sympathie, mais comme geste de solidarité envers le nombre énorme de femmes qui ont une histoire similaire à la mienne, qui ont été accusées de bigoterie pour s’inquiéter du devenir des espaces dédiés aux femmes.
J’ai réussi à échapper à mon premier mariage avec difficulté, mais je suis maintenant mariée à un homme bon et respectueux, à l’abri et à l’aise d’une manière que je n’aurais jamais crue possible. Cependant, les cicatrices laissées par la violence et les abus sexuels ne disparaîtront pas, peu importe à quel point on vous aime, peu importe l’argent qu’on gagne. Mon éternelle nervosité est une blague dans la famille, même moi je sais que c’est drôle, mais je prie pour que mes filles n’aient jamais les mêmes raisons que moi de détester les bruits soudains, ou de découvrir une personne derrière moi quand je ne l’ai pas entendue s’approcher.
Si vous pouviez entrer dans ma tête et comprendre ce que je ressens quand je lis l’histoire d’une femme trans tuée par un homme violent, vous trouveriez de la solidarité. Je ressens un sentiment de terreur viscérale concernant la manière dont cette femme trans aura passé ses derniers instants sur Terre, parce que j’ai également connu ces moments de terreur infinie quand je réalisais que la seule chose qui me gardait en vie était le self-contrôle bancal de mon attaquant.
Je pense que la majorité des personnes qui s’identifient comme trans ne présentent aucun danger pour les autres, mais sont vulnérables pour les raisons mentionnées précédemment. Les personnes trans ont besoin et méritent une protection. Comme les femmes, ils ont plus de chances d’être tués par un partenaire sexuel. Les femmes trans prostituées, notamment celles racisées, sont particulièrement exposées aux risques. Comme toutes les autres victimes de violences domestiques et d’abus sexuels que je connais, je ne ressens que de l’empathie et de la solidarité pour les femmes trans qui ont été violentées par des hommes.
Donc je veux que les femmes trans soient en sécurité. En même temps, je ne veux pas que les femmes et les filles soient moins en sécurité. Quand vous ouvrez la porte des toilettes et des cabines d’essayage à tous les hommes qui pensent se considérer comme des femmes, et comme je l’ai dit, les certificats de changement de genre sont maintenant délivrés sans aucune opération ou aucune hormone, alors vous ouvrez la porte à tous les hommes qui veulent entrer. C’est la simple vérité.
Samedi matin, j’ai lu que le gouvernement écossais avançait sur des plans controversés concernant la reconnaissance du genre, qui vont, dans les faits, faire en sorte que tout ce qu’un homme a besoin pour « devenir une femme » est de dire qu’il en est une. Pour utiliser un mot très contemporain, j’ai été « triggered » (tdr : déclenchée ; se dit quand une personne fait face à un élément qui cause chez elle de la panique). Fatiguée par les attaques incessantes des activistes trans sur les réseaux sociaux, alors que j’étais seulement là pour donner à des enfants des retours sur des images qu’ils avaient dessinés pour mon livre pendant le confinement, j’ai passé beaucoup de ce samedi dans un endroit très sombre dans ma tête, alors que les souvenirs d’un grave abus sexuel que j’avais vécu dans ma vingtaine tournaient en boucle dans ma tête. Cet abus s’est déroulé à une époque où j’étais particulièrement vulnérable, et un homme a profité de cette détresse. Je ne pouvais pas bloquer ces souvenirs et je trouvais difficile de contenir ma colère et ma déception face au fait que le gouvernement sacrifiait la sécurité des femmes et des filles.
Tard ce samedi, alors que je regardais les dessins des enfants avant d’aller au lit, j’ai oublié la première règle de Twitter, ne jamais s’attendre à une conversation nuancée, et j’ai réagis à ce que je pense être un langage dégradant envers les femmes. J’ai parlé de l’importance du sexe et j’en paie le prix depuis. J’ai été transphobe, une pute, une chienne, une TERF. Je méritais d’être cancelled, frappée, morte. Tu es Voldemort, a dit une personne, pensant clairement que c’était le seul langage que je comprendrais.
Ce serait tellement plus simple de tweeter le hashtag approuvé, parce que bien évidement les droits des trans sont des droits de l’homme, et bien entendu la vie des trans a de l’importance, pour récupéré des woke cookies (ndt : des bons points des bien-pensants) et de profiter de la vague agréable qui suit l’affirmation de signes de vertu. Il y a de la joie, du soulagement et de la sécurité dans la conformité. Comme Simone de Beauvoir l’a également écrit « Et sans doute il est plus confortable de subir un aveugle esclavage que de travailler à s’affranchir : les morts aussi sont mieux adaptés à la terre que les vivants. »
Un grand nombre de femmes sont avec raison terrifiées des activistes trans : je le sais parce que beaucoup m’ont contactée pour me raconter leur histoire. Elles ont peur d’être doxxée (ndt : qu’on révèle leur identité à leur travail et à leurs proches), de perdre leur travail ou leur moyen de subsistance, et peur de la violence.
Mais tout aussi désagréable que ce soit d’être constamment prise pour cible, je refuse de m’incliner devant un mouvement qui, je pense, est en train de causer du mal en détruisant le mot « femme » comme classe politique et biologique, et en offrant une protection aux prédateurs comme peu avant eux. Je me tiens aux côtés des braves femmes, hommes, gays, hétéro, et trans qui défendent la liberté d’expression et de penser, et les droits et la sécurité des personnes les plus vulnérables dans la société : les jeunes gays, les adolescents fragiles, les femmes qui dépendent des espaces dédiés aux femmes et souhaitent les conserver. Les sondages montrent que ces femmes sont une vaste majorité et excluent seulement celles qui sont suffisamment privilégiées ou chanceuses de ne pas avoir été confrontées à la violence masculine ou aux abus sexuels., et qui ne se sont pas fatiguées à se renseigner sur le sujet.
La seule chose qui me donne de l’espoir est que ces femmes manifestent et s’organisent, et qu’elles ont quelques hommes et personnes trans décents avec elles. Les partis politiques qui cherchent à apaiser les voix les plus fortes dans ce débat ignorent les inquiétudes des femmes à leurs risques et périls. En Grande Bretagne, les femmes se rejoignent à travers les partis, inquiètent de l’érosion de leurs droits si difficilement obtenus et de l’intimidation dont elles sont victimes. Aucune des femmes critiques du genre auxquelles j’ai parlé ne déteste les trans, au contraire. Beaucoup d’entre elles se sont intéressées au sujet justement parce qu’elles s’inquiétaient pour eux, et elles sont très sympathique envers les adultes trans qui veulent simplement vivre leur vie, et qui font face à des attaques d’un activisme qu’ils ne soutiennent pas. La plus grande ironie est que la tentative de faire taire les femmes avec le mot TERF a peut-être poussé plus de jeunes femmes à rejoindre le féminisme radical que le mouvement a vu en des années.
La dernière chose que je veux dire est la suivante. Je n’ai pas écrit ce texte dans l’espoir que quiconque sorte un violon pour moi, même pas un tout petit. Je suis extraordinairement chanceuse : je suis une survivante, certes, mais pas une victime. J’ai seulement mentionné mon passé parce que, comme chaque personne sur Terre, j’ai un passé complexe qui impacte mes peurs, mes intérêts et mes opinions. Je n’oublie jamais cette complexité innée quand je crée un personnage, et je ne l’oublie certainement pas quand on parle des trans.
Tout ce que je demande, tout ce que je veux, est qu’une empathie similaire, une compréhension similaire soit étendue à ces millions de femmes dont le seul crime est de vouloir que les inquiétudes soient entendues sans recevoir des menaces et de la violence.
Sources externes :
Traduction de critiqualqueenlesbian
Texte original de Jk Rowling
[kofi]
CC BY-NC-SA 4.0